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Actualités

08.01.20

Hugo Micheron dans Le Monde : « Les djihadistes sont à l’aise dans l’enclavement territorial et communautaire »

Un travail inédit sur le développement du jihadisme français

Hugo Micheron est chercheur en France, au sein de l’Ecole normale supérieure, et enseigne à Sciences Po Paris. Il publie Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons, résultat de sa thèse de doctorat. Un travail inédit reposant sur de la documentation judiciaire et les témoignages de plus de 80 détenus, hommes et femmes, mis en cause dans des affaires de terrorisme.

Le chercheur relève que les attentats de Charlie Hebdo, dont la France commémorait hier le 5ème anniversaire, ne constituent pas le point de départ du djihadisme français. Selon lui, la mouvance djihadiste se développe en France dès le début des années 2000 sous l’impulsion notamment de petits regroupements de militants qui se déploient en zones urbaines dans certains quartiers de Toulouse, Strasbourg ou Roubaix où d’autres mouvements islamistes comme les Frères musulmans, les tablighis et les salafistes, sont déjà présents. Ils capitalisent sur l’effet « 11 septembre » et se livrent à du militantisme ordinaire passant par le porte-à-porte ou les rappels à la norme islamique au cours de tournées au pied des immeubles. D’autres noyaux d’activistes voient le jour également en milieu rural dans des communautés fermées qui deviennent des lieux de formation idéologique.

Ainsi se construit, selon Hugo Micheron, des « enclaves » produisant une bonne partie des lieutenants français de Daech. Ces enclaves seront aussi des lieux de départs privilégiés vers la Syrie. « En France : une dizaine de départements sont ainsi particulièrement concernés. Et si on regarde de plus près, cela s’est joué dans certaines villes, dans quelques quartiers, parfois même à l’échelle d’un immeuble. Contrairement à ce qui a été souvent dit, le djihadisme ce n’est pas n’importe qui, n’importe où. Considérés ensemble, ces territoires dessinent une géopolitique du djihadisme dont l’axe Toulouse-Molenbeek a été l’un des plus structurants », explique le chercheur dans une interview donnée au Monde.

Hugo Micheron y ajoute que, pour certains djihadistes incarcérés, l’échec de Daesh ne ternit en rien la cause soutenue : « ils considèrent que l’EI a été le mauvais véhicule sur la route du « califat », mais cette route, à leurs yeux, était la bonne (…) ils estiment qu’il faut profiter de la prochaine décennie pour reconfigurer les forces futures. Contrairement aux travaux, souvent inspirés des thèses de Michel Foucault, qui considèrent que la prison est un lieu de domination, d’isolement avec le monde extérieur, qui broie l’être humain, pour les djihadistes, elle n’est pas coupée de la société et s’apparente à une sorte de super-enclave, un espace de recomposition pour la mouvance en déroute, à mi-chemin entre les quartiers et la Syrie. » Il conclut : « l’Etat a aujourd’hui très bien pris en compte le risque sécuritaire lié au djihadisme. C’est bien moins vrai du défi sociétal, politique et intellectuel qu’il pose. Il faut sortir des débats binaires entre hystérisation généralisée sur l’islam et occultation de la réalité sociale du djihadisme. C’est l’enjeu de la décennie 2020. Il faut comprendre d’où vient le djihadisme pour savoir où il va. »

 

> A écouter aussi : « Hugo Micheron : pour les djihadistes, « la France est l’usine à idées de l’Europe, un symbole à défier », France Inter, 8 janvier 2020.

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